Les femmes dans l’agriculture de décrue de la vallée du fleuve Sénégal
La moyenne vallée du Sénégal est une vaste plaine d’inondation alimentée par la crue annuelle du fleuve Sénégal. De nombreuses dépressions forment une vaste zone humide saisonnière dont environ 100 000 hectares sont submergés chaque année. Située au coeur du Sahel, cette vallée alluviale est un espace riche en eau, où les sociétés se sont adaptées au rythme de la crue. La population Haalpuulaar y pratique depuis toujours la pêche, l’élevage et surtout une agriculture de décrue sur les terres gorgées d’eau suite à l’inondation.
L’équilibre de cette zone humide est troublé par de nombreux changements environnementaux survenus depuis les années 1970 : sécheresse, barrages et développement de l’irrigation. Face à ces menaces, les femmes jouent aujourd’hui un rôle clé dans le maintien de l’agriculture de décrue de la moyenne vallée du Sénégal.
Traditionnellement les femmes du ménage sont en charge des cultures sur berges, les falo, de petits jardins maraîchers d’environ 40 à 50 ares accrochés sur les bords du fleuve. Patates douces, tomates, melons, niébés ou encore arachides assurent ainsi l’approvisionnement maraîcher des marchés hebdomadaires de la vallée durant la saison sèche. Cette activité assure aux femmes des revenus et une certaine autonomie financière au sein du ménage, tout en contribuant à la sécurité alimentaire de la région.
Les femmes ont également une implication croissante dans la mise en valeur des vastes cuvettes d’inondation, les walo, traditionnellement exploités par l’ensemble de la famille pour la culture de sorgho. La migration des hommes vers les grandes villes et l’augmentation de la scolarisation des enfants réduisent la main d’oeuvre disponible pour mettre en valeur ces terres inondables et font des femmes, les seules garantes du maintien de cette agriculture traditionnelle de décrue.
Par Laurent Bruckmann, Doctorant en géographie - Université Paris Diderot
© Laurent Bruckmann