Teresa Vincente Gimenez, Espagne

Biography 

Cette professeur qui parcourt les couloirs de l’Université Murcia depuis 1998 est dotée d’une passion de la justice allant bien au-delà de la simple théorie. Ses recherches dans les domaines des droits des enfants, du féminisme du droit et de la justice écologique ne sont pas purement académiques : elles revêtent un but transformateur. La lagune de Mar Menor en Espagne étant menacée d'effondrement écologique, elle a lutté pour l’adoption de la loi 19/2022 octroyant pour la première fois le statut de personnalité juridique à ce trésor naturel, une victoire confirmée par la Cour constitutionnelle d’Espagne. En tant que directrice de la Présidence des droits de l’homme et de la nature, elle fait le lien entre la recherche universitaire et les actions concrètes de plaidoyer, portant son message de l’Université de New York à la Sorbonne. Son héritage réside dans la jurisprudence constitutionnelle et le mouvement mondial en faveur des droits de la nature qu’elle continue de défendre sur tous les continents.

Q. Quelle expérience personnelle a façonné ou guidé votre parcours ?

Le contact direct avec la nature, en particulier les étendues d’eau. La satisfaction que l’eau me procurait dans mon enfance et mon adolescence et la tristesse, une fois devenue adulte, en raison de la détérioration progressive de ces étendues.

Il y a aussi mon expérience avec l’univers du droit depuis que je suis toute petite (mon père était avocat), et la prise de conscience, un jour, qu’au-delà de la justice sociale, il fallait aussi tendre vers une justice écologique. Une justice qui reconnaît les interactions entre les êtres humains et la nature.
 

Q. Quelle figure marquante a été pour vous une source d'inspiration ? En quoi vous a-t-il/elle particulièrement inspirée ? 

Dans le domaine du droit, j'ai surtout été influencée par mon père. Dans le domaine de l’écologie, je dirais que c’est mon professeur d’écologie, M. Luis Ramírez, et en ce qui concerne la philosophie du droit, c'est le professeur Mariano Hurtado.

Au cours de ma carrière, beaucoup de femmes et d’hommes ont partagé avec moi le sentiment qu’il fallait d’urgence changer de paradigme au cours du 21^e siècle si nous voulions protéger la Terre et l’humanité.
 

Q. Dans votre combat pour la conservation des zones humides, quel est le plus grand défi auquel vous ayez été confrontée ? Comment cette expérience a-t-elle affermi votre volonté d’avoir un impact positif ?

Dans les années 1980, j’ai commencé à étudier le droit, et le plus grand défi auquel j’ai été confrontée concernait cette scission entre les sciences sociales et les sciences naturelles. Plus tard, j’ai été confrontée à une certaine résistance de la part de plusieurs juristes et chercheurs lorsque j'évoquais le fait de passer d'une vision anthropocentrique du monde, à une vision écocentrique.

Ces difficultés m’ont poussée à rencontrer davantage de personnes - dans les domaines de la recherche et du droit - ainsi que des personnes proches de la nature qui soutiendraient l’idée d'un changement épistémologique en vue de réunir les sciences sociales et naturelles, et qui comprennent que les droits de la nature sont à la fois une question interdisciplinaire et interculturelle.
 

Q. En tant que femme à l’origine d’importantes avancées, dans quel(s) domaine(s) pensez-vous qu’il faille investir pour accélérer les progrès et donner plus de poids aux actions des femmes en faveur des zones humides ?

Les femmes sont des actrices du changement et elles doivent prendre part aux processus décisionnels sur les zones humides et, plus généralement, sur la nature en étant sur un pied d’égalité avec les hommes. L’autonomisation des femmes par le biais de la formation, de l’éducation et du financement est indispensable pour faire valoir leurs compétences de leadership et donner vie à leurs idées.

Photo credits: Goldman Environmental Prize