Julie Mulonga

Julie Mulonga, Kenya

Directrice de Wetlands International pour l’Afrique de l’Est,

Biographie

La passion de Julie Mulonga pour la conservation a commencé dans l’enfance, lorsqu’elle a été témoin de la transformation d’une zone humide autrefois prospère en étendue d’eau polluée, sans vie. Aujourd’hui, en tant que Directrice de Wetlands International pour l’Afrique de l’Est, elle supervise les efforts déployés dans quatre pays pour restaurer ces écosystèmes vitaux. Titulaire d'un doctorat dans le domaine du changement climatique et de l’adaptation face à ses effets, Julie Mulonga agit comme passerelle entre la science et l’action des communautés pour faire en sorte que les zones humides préservent les moyens de subsistance des populations au même titre que la biodiversité. Inspirée par le leadership citoyen de Wangari Maathai, Julie a la conviction que le véritable changement opère lorsque les communautés, les gouvernements et les scientifiques travaillent main dans la main. Pour elle, les zones humides ne sont pas qu’une composante de la nature – ce sont aussi des liens vitaux, indispensables pour garantir un avenir durable dans lequel les populations et les écosystèmes s’épanouissent en harmonie.

Q. Quelle expérience personnelle a façonné ou guidé votre parcours ?

Enfant, j’ai été témoin de la dégradation progressive de zones humides saines qui sont devenues des étendues d’eau polluée, sans vie. Ces pertes m'ont décidé à lutter pour redonner vie aux zones humides. Ces 30 dernières années, j’ai travaillé dans la conservation environnementale, comme chercheuse tout d’abord, puis comme Directrice de la région Afrique de l’Est pour Wetlands International, poste que j’occupe encore aujourd’hui et dans le cadre duquel je chapeaute les actions menées pour protéger et restaurer les zones humides de la région.

Mon arrivée au sein de Wetlands International a marqué un tournant dans ce parcours. J’ai commencé à faire partie d'un réseau mondial axé sur la conservation et la restauration des zones humides, et j’ai eu la possibilité de me plonger dans cette communauté de professionnels avec lesquels j’étais sur la même longueur d'onde. Cette expérience a considérablement élargi mon point de vue, me permettant de voyager partout dans le monde, de l’Asie à l’Afrique en passant par l’Europe et les Amériques. Au travers de ces voyages, j’ai pu constater de mes propres yeux qu’en plus d’être des écosystèmes vitaux, les zones humides jouent aussi un rôle clé pour lutter contre le changement climatique et garantir la sécurité de l’eau.

Mon travail est en outre gratifiant parce qu’il me permet de représenter Wetlands International dans les principaux forums régionaux et mondiaux comme auprès de la CCNUCC ou de la Convention de Ramsar. J’ai travaillé sur de nombreuses initiatives régionales axées sur les lacs de Great Rift Valley, le bassin du Nil (Wetlands Across Borders) ainsi que sur l’écorégion des mangroves d’Afrique de l’Est (Mangrove Capital Africa). Ces initiatives rassemblent des scientifiques, des responsables politiques et des communautés de différents pays, ce qui n’a fait que renforcer ma conviction que les zones humides, en tant qu’écosystèmes partagés, doivent être protégées par le biais d'une action collective. Ce travail m’a enseigné que l’efficacité de la conservation dépend des actions de plaidoyer, de l'innovation et de l’autonomisation des communautés locales pour entraîner des changements durables.

Dans le cadre de mon doctorat, mes recherches portant sur les conséquences du changement climatique sur les communautés dépendantes des mangroves au Kenya ont renforcé mon engagement en faveur de la conservation, de même qu’elles ont changé la façon dont j’appréhende la conservation. Au travers de travaux d’envergure sur le terrain, de l’engagement des communautés et de l’analyse des données, j’ai pu en savoir plus sur les problématiques aux multiples facettes auxquelles ces communautés sont confrontées concernant l’élévation du niveau de la mer, l’augmentation de la salinité, le déclin des stocks de poissons et l'instabilité économique. Cette expérience m’a enseigné que la conservation n’est pas qu'une affaire de protection de la nature. Il s’agit aussi de soutenir les communautés qui dépendent de ces écosystèmes. Aujourd’hui, je comprends mieux l’importance d’associer les connaissances traditionnelles à la science pour élaborer des politiques qui aident simultanément les populations et l’environnement grâce à des solutions modulables. J’ai plus que jamais la conviction que la conservation doit impliquer les communautés locales et leur donner les moyens d’agir, afin qu’elles soient en mesure de protéger leurs ressources naturelles tout en bâtissant un avenir plus durable.

Chaque étape de mon parcours m’a aidé à comprendre que nos zones humides ne sont pas que des écosystèmes : elles constituent l’énergie vitale de notre environnement et méritent tout notre attachement et notre engagement.
 

Q. Quelle figure marquante a été pour vous une source d'inspiration ? En quoi vous a-t-il/elle particulièrement inspirée ?

Mon parcours professionnel s’inspire de différents mentors et leaders qui m’ont montré le pouvoir transformateur de l’action collective dans le domaine de la conservation. Depuis toute petite, mes parents m’ont inculqué le respect de la nature, forgeant en moi la conviction que la protection de la nature est une responsabilité personnelle et un honneur. Plus tard, avec mes collègues de Wetlands International et dans mes échanges avec des instances internationales pour la conservation, j’ai appris que les changements véritables sont le fruit d’une direction audacieuse et d’une action collective.

Je suis particulièrement inspirée par la résilience et le dévouement des communautés locales avec lesquelles j’ai travaillé au fil des ans. Elles font preuve d’un engagement sans faille en faveur de la conservation de leurs ressources naturelles, malgré les nombreuses difficultés auxquelles elles sont confrontées. Cela ne peut que me motiver à poursuivre ma lutte en faveur de pratiques durables au niveau local et mondial.

Je tiens à ajouter que j’ai aussi été profondément inspirée par Mme Wangari Maathai, enseignante aujourd’hui décédée, dont le leadership en faveur du Green Belt Movement a complètement transformé l’activisme environnemental au Kenya et à travers le monde. Sa formidable capacité à mobiliser les communautés sur le terrain pour planter plusieurs millions d’arbres et restaurer des paysages dégradés, ainsi qu’à mobiliser les réseaux mondiaux pour la restauration de l’environnement, est pour moi la preuve du pouvoir de l’alliance entre des parties prenantes de divers horizons. Les travaux de Mme Maathai illustrent en quoi le fait de réduire l’écart entre les besoins des communautés et l’action mondiale en faveur de l’environnement peut entraîner des changements durables : une philosophie qui me motive chaque jour lorsque je cherche à nouer des partenariats au-delà des frontières nationales afin de protéger les écosystèmes de zones humides.

Elizabeth Wathuti, leader de la jeunesse, est une femme qui m’inspire aussi beaucoup et fait partie des personnes incontournables des discours mondiaux. Elle dirige toute son énergie et sa créativité vers la promotion de pratiques durables et de la justice environnementale.
 

Q. Dans votre combat pour la conservation des zones humides, quel est le plus grand défi auquel vous ayez été confrontée ? Comment cette expérience a-t-elle affermi votre volonté d’avoir un impact positif ?

Un problème majeur que je continue à observer dans la conservation des zones humides concerne l’idée répandue selon laquelle les zones humides sont de simples terrains vagues. Beaucoup considèrent encore qu’elles ne sont que des terres marécageuses qui ne produisent rien et qui devraient être drainées pour développer les secteurs de l’agriculture, du logement ou de l’industrie. À cause de ce manque de compréhension, bon nombre de zones humides ont été dégradées en dépit des avantages essentiels qu’elles procurent comme le contrôle des inondations, la purification des eaux, le maintien de la biodiversité et le stockage du carbone.

Le Parc national d’Abijatta Shalla, abritant l'un des plus grands systèmes de zones humides d’Éthiopie, est un très bon exemple des difficultés et des réussites liées à la conservation des zones humides. Au fil des ans, le Parc a subi d'importantes menaces, notamment en ce qui concerne l’extraction non durable des eaux du lac Abijatta à des fins d’irrigation, ainsi que la déforestation, le surpâturage et la pollution. En conséquence de cela, le lac Abjijatta a vu sa taille réduire et de nombreuses espèces sauvages, dont plusieurs milliers de flamants roses et d’autres oiseaux d’eau, ont vu leurs populations décliner.

Malgré ces difficultés, les efforts de conservation menés par l’équipe de Wetlands International en Éthiopie parviennent à faire la différence. Les projets collaboratifs qui incluent les autorités régionales et nationales, les communautés locales et les partenaires internationaux se concentrent sur la gestion durable de l’eau, la restauration des habitats ainsi que sur plusieurs initiatives proposant des moyens alternatifs de subsistance. Les campagnes de sensibilisation ont aussi permis de faire changer le point de vue des populations locales en mettant en avant le rôle vital des zones humides dans le maintien de la biodiversité, la résilience climatique et le développement durable de l’économie.

Les récits comme celui d’Abijatta Shalla renforcent mon engagement en faveur de la conservation des zones humides. Ils sont la preuve qu’avec de la pédagogie, de la collaboration et des pratiques durables, nous sommes en mesure de faire changer les mentalités et de protéger ces écosystèmes inestimables. Il reste de nombreux problèmes, mais ces réussites nous rappellent que les zones humides ne sont pas de simples terrains vagues : ce sont des écosystèmes indispensables à la bonne santé et à l’avenir de notre planète.
 

Q. En tant que femme à l’origine d’importantes avancées, dans quel(s) domaine(s) pensez-vous qu’il faille investir pour accélérer les progrès et donner plus de poids aux actions des femmes en faveur des zones humides ?
 

  • Les programmes ciblés de formation et les opportunités de mentorat comme celle dont j’ai bénéficié dans le cadre du programme Women in Conservation Leadership fournissent aux femmes les compétences techniques, stratégiques et managériales nécessaires pour mener des projets transformateurs.
  • Le versement de financements dédiés à des projets menés par des femmes peut faire naître des solutions de conservation innovantes centrées sur les communautés. Lorsque les femmes ont accès à des ressources financières, elles sont en mesure de créer et de développer des initiatives pour la restauration des zones humides, la protection de la biodiversité et l’amélioration des moyens de subsistance des populations locales. À titre d’exemple, le Women Loans and Savings Group a permis d’améliorer la vie de nombreuses femmes.
  • Il faut des investissements pour renforcer les cadres politiques garantissant aux femmes qu’elles sont représentées à tous les niveaux : à l’échelle locale au sein des autorités décisionnelles ; et à l’échelle internationale auprès d’instances comme la Convention de Ramsar et la CCNUCC lors de ses négociations. L’autonomisation des femmes promeut non seulement l’égalité des genres, mais elle fait aussi en sorte que les stratégies de conservation tiennent compte des problématiques spécifiques auxquelles font face les communautés qui dépendent des zones humides.
  • La création de plateformes transfrontalières et technologiques centrées sur la conservation des zones humides peut également permettre de réunir les femmes spécialistes de la conservation à travers le monde. Ces plateformes peuvent faciliter les échanges de connaissances, les recherches collaboratives (y compris les travaux universitaires comme dans le cadre de mon doctorat sur la vulnérabilité des communautés dépendantes des mangroves face au climat), ainsi que le déploiement de technologies de pointe comme Global Mangrove Watch qui assure un suivi et une gestion plus efficaces des zones humides.

En dirigeant des investissements dans ces domaines, nous pourrons bâtir un écosystème fiable dans lequel les femmes ne sont plus seulement des bénéficiaires, mais aussi des leaders de la conservation et de la gestion durable des zones humides.

 

Toutes les femmes de cette catégorie : Collaboration internationale

Prof. Celeste Saulo

Prof. Celeste Saulo, Argentine

Secrétaire général, Organisation météorologique mondiale,

Plus d' informations
Mrs. Libuse Vlasakova

Libuše Vlasáková, Tchèque

Senior Advisor, Ministère de l’Environnement de République tchèque

More information

Toutes les femmes de cette catégorie : Protection des zones humides

Rachel D'Silva

Rachel D'Silva, Jamaïque

Scientifique principale de l’environnement au sein de l’entreprise CL Environmental,

Plus d' informtions

Toutes les femmes dans cette catégorie : Utilisation rationnelle des zones humides